Les lions mangent des gazelles

Pris au mot, cet argument est absurde. La situation des lions et des humains n’est pas du tout comparable : tout le monde sait que les lions ne peuvent pas se nourrir autrement que par la chasse, alors que les humains peuvent se passer de chair animale.

Et puis, quelle drôle d’idée de prendre comme modèle un prédateur n’hésitant pas à pratiquer l’infanticide et pas des animaux plus sympathiques, comme les bonobos ou les éléphants…

Mais l’argument des lions est porteur de sous-entendus. Il y a en toile de fond ce que les philosophes nomment un appel à la nature, fondé sur deux postulats :

1. Ce qui est naturel est bon / légitime. Or, manger des animaux est un phénomène naturel. Donc, manger des animaux est bon / légitime.

C’est un sophisme parce que la nature n’a pas d’intention. Les êtres vivants sont le fruit d’un mécanisme aveugle, la sélection naturelle. En outre, on peut justifier absolument tout avec l’appel à la nature. Des animaux commettent des meurtres, des viols, abandonnent leurs petits, s’adonnent au cannibalisme… Mais des animaux font aussi preuve de compassion, de coopération, d’altruisme.

2. On doit se conformer à sa nature. Or, notre nature est omnivore. Donc, nous devons manger des animaux.

Problème : la nature en question est une essence métaphysique qui n’existe pas. En effet, on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas d’essence immuable dans les êtres vivants. Et, comme dit plus haut, la nature ne veut rien. Comme elles sont imaginaires, on peut tout justifier par les essences métaphysiques. Les discours réactionnaires en font abondamment usage.

L’exemple du lion peut aussi être un moyen de dire que les animaux n’ont pas de sens moral ; les lions chassent sans états d’âme. Le sous-entendu est qu’on n’a de devoirs qu’envers les individus capables d’agir moralement. Pas de droits sans devoirs. Or, c’est faux, il est communément admis que nous avons des devoirs envers les nouveaux-nés, les handicapés mentaux profonds ou les personnes séniles, qui ne peuvent agir moralement en retour. En outre, certains éthologues comme Mark Bekoff ou philosophes comme Mark Rowlands soutiennent que de nombreux animaux sont dotés d’un sens moral.

Prêt pour un défi végane ?

Se lancer

Vous êtes déjà végane ?

S'engager